Nous sommes arrivés à Isla Graciosa au matin. Nous attendions de voir la terre se découper dans la nuit, désespérément. Lorsque les lumières du port sont apparues au loin, nous n’y avons pas cru. Nous ne sentions pas l’odeur du sol, si reconnaissable, qui nous avait envahi aux abords de l’Espagne.
Mais les îles sont là, dans le noir, Lanzarote à bâbord et Graciosa en face. C’est celle-ci qu’on vise. Géraldine nous l’a décrite comme un petit port hippie qui ne cherche pas à se faire connaître, et rien n’est plus éloigné de ce qu’est cette île.
On ne la comprendra pas, d’ailleurs, cette vie-là, entre désert et océan, quatre rues et puis rien, mais le succès touristique est flagrant, et la vie bohème absente.
Notre capitaine a prévu cette étape pour que l’équipage puisse renouer en douceur avec la civilisation après l’isolement de la mer. Ce point-là est une réussite. On passe du désert d’eau à celui de sable, celui des rues.
La ville est prise entre deux monts, émergeant de la steppe aride, et l’eau. Face à elle, les falaises imposantes de Lanzarote bouchent l’horizon, renforcent le sentiment d’être arrivé à côté du monde.
Les maisons sont en travaux. Les plus proches de la mer sont les mieux achevées, les mieux décorées. Plus on s’éloigne de l’eau pour monter vers les collines sèches, plus le sable reprend ses droits et se mêle aux constructions. Des ruines, presque dans chaque rue. Si c’est un lieu qui vit par lui-même ou si c’est un cadavre laissé par le tourisme, animés encore que par l’arrivée des ferrys en fin de matinée ; nous ne le savons pas. Une atmosphère triste, ou secrète.
De chaque côté, où qu’on aille, il y a une fin, un infini.
Désert, ou océan.